Mexique : les élections les plus violentes de l’histoire du pays
Ce dimanche 1er juillet était un moment politique important pour ce pays de 130 millions d’habitants, en effet les Mexicains avaient rendez-vous avec les urnes pour élire leur président mais aussi pour élire leurs représentants locaux (sénateurs, députés, gouverneurs et maires). En tout, plus de 3 400 personnes devaient être élues ce dimanche, le tout dans un climat très tendu et extrêmement violent.
La politique s’exprime par les armes
Ces élections sont l’aboutissement d’une campagne d’une violence inédite au Mexique et cela depuis le mois de septembre 2017. Dans ce pays d’Amérique latine, la politique s’exprime par les armes et les chiffre sont là pour en témoigner : 47 candidats à des mandats locaux ont été assassinés depuis le début de la campagne électorale, 122 personnalités politiques ou fonctionnaires ont été tués, des proches d’élus ont également perdu la vie. Très souvent, ces meurtres politiques restent impunis, leurs circonstances étant très floues et peu d’enquêtes policières sont initiées. C’est l’indifférence et l’impunité qui règnent au Mexique. Dimanche encore, jour de vote, deux militants ont été abattus.
Ce climat de violence est renforcé par une corruption endémique qui ravage tous les niveaux de la vie politique. La manne pétrolière du pays est également l’objet de toutes les convoitises. Le mandat du président sortant, Enrique Pena Nieto, a été marqué par de nombreux scandales de corruption et il a échoué dans la lutte contre les cartels de la drogue toujours aussi puissants actuellement. Et quand l’Etat lui-même trompe ses concitoyens, comment peut-il susciter la confiance dans ses institutions ? La violence, la pauvreté et la corruption créent une atmosphère de défiance dans les campagnes comme dans les villes et renforce la violence.
Les journalistes et les médias eux aussi ont été pris pour cibles : 47 journalistes ont été menacés, agressés, voire forcés à disparaître. Selon l’ONG Transparency International, le Mexique figure parmi les pays les plus corrompus au monde et se place à la 135ème position, sur 180 pays évalués.
L’immense défi du nouveau Président : retrouver la confiance du peuple mexicain
L’enjeu pour le nouveau président Manuel Lopez Obrador est immense. Il fut maire de Mexico et c’est la troisième fois qu’il tente d’accéder à la présidence. Le slogan « Ensemble nous ferons l’Histoire » a été au cœur de sa campagne électorale, et il est à la tête de la coalition MORENA, référence à la Vierge de la Guadalupe, vierge noire vénérée par le peuple mexicain.
La campagne pour la présidence s’est jouée entre quatre candidats : Andrès Manuel Lopez Obrador (ou AMLO, gauche), Ricardo Anaya, José Antonio Meade et El Bronco et c’est donc le candidat de la gauche annoncé comme le favori depuis plusieurs semaines qui l’a emporté.
Il a recueilli 53% des suffrages et amène ainsi la gauche au pouvoir pour la première fois au Mexique. La gauche s’est également imposée au niveau régional. Pour la première fois, la capitale du pays (plus de 20 millions d’habitants) sera représentée et guidée par une femme, Claudia Sheinbaum, proche du nouveau président.
S’adressant dimanche soir aux Mexicains, le nouveau président a assuré « Je ne vous décevrai pas ! ». C’est un défi immense qui l’attend. Retrouver la confiance du peuple devra passer par une lutte réelle et efficace contre la pauvreté et la corruption. Une campagne est inévitablement faite des grandes promesses voire d’utopies ! Le nouveau président s’est engagé à éradiquer la pauvreté, à ramener la paix sociale, et à bannir « la mafia du pouvoir », mais il veut aussi « remettre à sa place » le président américain Donald Trump pour ses propos sur l’immigration clandestine venue d’Amérique centrale.
Dans un article du Figaro, le chercheur français Jean Rivelois explique que cette guerre contre les cartels de drogue s’est illustrée par l’institutionnalisation du recours à l’armée et par l’arrestation du baron de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman en 2014. Cette forme de lutte contre le trafic de drogue a mené à privilégier un cartel au détriment d’un autre et cela a entrainé une explosion de la violence dans le pays. Le Figaro rappelle que : « depuis 2006, plus de 2000 000 personnes ont été tuées et 30 000 autres sont portées disparues. L’année 2017 quant à elle aura été marquée par le triste record de 25 339 homicides et 2018 s’annonce déjà encore plus meurtrière. »
L’arrivée de la gauche au pouvoir à la tête de l’Etat et dans les régions peuvent nous amener à penser que ces élections 2018 qualifiées les plus violentes de l’histoire du pays pourraient cependant apporter un vent d’espoir.
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