Kenya : les médecins en grève, fallait-il aller si loin ?
Au Kenya, les médecins du secteur public ont débuté une grève qui a duré près de trois mois. Les conséquences de cette grève sont tragiques : des centaines, voire plusieurs milliers de victimes…
L'accord à l'origine de la grève
En 2013, un accord avait été signé entre le gouvernement et l’Union des praticiens médicaux, pharmaciens et dentistes du Kenya (KMPDU). Cet accord prévoyait la rénovation des hôpitaux du pays, afin d’améliorer les conditions de travail et ainsi, les conditions de soins des patients. L’accord prévoyait également la hausse des salaires des praticiens, qui gagnent entre 350 et 1000€ par mois. Mais cette hausse n’a pour l’instant pas été appliquée. Trois ans après la signature de l’accord, rien ne semble avoir changé. Le système de santé du Kenya reste sous-financé. Le 5 décembre 2016, les médecins et praticiens ont ainsi entamé une grève qui a duré près de trois mois. Environ 5000 médecins ont pris part à ce mouvement social qui a pris de l’ampleur au cours des mois, mais dont les conséquences sont très graves. Les Kenyans ne pouvant se permettre d’avoir recours à des soins dans un établissement privé se sont ainsi vus abandonnés et souffrent en silence. Le mouvement social a paralysé le système de santé publique du pays. Ce sont les Kényans les plus défavorisés qui sont les premières victimes, certains ont été contraints de quitter leur logement pour économiser un loyer et ainsi couvrir leurs frais de soins, et se retrouvent aujourd’hui dans des bidonvilles. D’autres n’ayant pu recevoir des soins vitaux, sont morts des suites de leur maladie…
Mardi 14 mars, le mouvement social a pris fin suite à la signature d’un accord. En revanche, les médecins n’ont pas obtenu satisfaction, puisque cet accord ne concerne que la fin du mouvement, et prévoit de nouvelles discussions dans les 60 prochains jours. Cet accord est en réalité un simple compromis qui ne résout en rien le différend qui a mené à la grève. Par ailleurs, les grévistes ont voulu mettre en lumière les pratiques de corruption du gouvernement kenyan, affirmant que l’équivalent de 45 millions d’euros ont été détourné par les hauts dirigeants du ministère de la santé. Paradoxalement, le Kenya qui compte un médecin pour 10000 habitants (selon l’OMS) est considéré comme l’un des pays ayant l’un des moins mauvais systèmes de santé du continent africain…
Des élections sous tensions
C’est dans ce climat de tensions entre le gouvernement et les Kényans que vont se tenir des élections nationales au mois d’août 2017. En 2007, les élections avaient mené à des violences entres les Kenyans, entraînant la mort de 1200 personnes. Le 8 août 2017, les Kényans iront ainsi voter pour un Président, mais aussi des sénateurs et des gouverneurs locaux. Le Président actuel, Uhuru Kenyatta, élu en 2013, souhaite renouveler son mandat. Mais son mandat fut rythmé par la faillite de plusieurs banques, des scandales de corruption, des attaques terroristes, et les grèves de médecins, infirmières et professeurs… Les Kenyans redoutent la recrudescence d’affrontements et de polarisation ethnique entre les différentes communautés.
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