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Chypre : la réunification est-elle encore possible ?


Au début de l’année 2017, les Nations Unies ont relancé les pourparlers sur la réunification de Chypre, scindée en deux depuis 1974. En effet, en 1974, un coup d’état qui visait à rattacher le pays à la Grèce a échoué, provoquant malgré tout l’invasion par l’armée turque de la partie nord de l’île. Chypre est depuis divisée en deux, par une ligne qui coupe également Nicosie, la capitale des deux républiques : la République turque du Nord de Chypre (uniquement reconnue par la Turquie), et la République de Chypre, où la majorité des habitants sont des Chypriotes grecs, (reconnue par l’Union européenne et la communauté internationale). Ce sont donc deux états indépendants, mais sous l’influence directe de la Turquie d’un côté, et de l’autre de la Grèce et de l’Union européenne.

Suite aux négociations tenues en janvier 2017, il était prévu que les Chypriotes grecs et turcs reprennent les pourparlers courant mars, à Genève. En janvier, le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres semblait optimiste, tout comme les deux dirigeants chypriotes, Mustafa Akinci et Nicos Anastasiades. Mais ces retrouvailles ne sont plus assurées, et le processus de négociations est en suspens, voire en danger.


Une loi controversée met en suspens les pourparlers

C’est une décision du Parlement chypriote (République de Chypre) qui a bousculé les pourparlers. Le Parlement a voté en faveur d’une loi relative à la commémoration dans les écoles d’un référendum qui date de 1950, référendum auquel les Chypriotes grecs avaient massivement voté en faveur du rattachement à la Grèce. La République turque s’y est vivement opposé et a dénoncé cette loi. Mais surtout, c’est la Turquie elle-même, par le biais de son Premier Ministre, Binali Yildirim qui a accusé la République de Chypre d’avoir une « attitude agressive », contraire au processus de négociations.


La Turquie veut dicter les négociations

On peut ainsi questionner la volonté et la nécessité d’une telle loi dans le contexte actuel, mais on peut également s’interroger sur l’influence et le rôle de la Turquie ainsi que de la Grèce dans les pourparlers. Les négociations ont pour objectif de réunifier l’île, et non de la rattacher à un des deux pays. Pourtant, la Turquie semble vouloir dicter les négociations.

Par exemple, en janvier, le Président de la République de Chypre a fait du retrait de l’armée turque de l’île une condition à la cessation du conflit et à la réunification. Mais, le Président turc Erdogan, a lui-même rétorqué : « Nous allons rester là pour toujours ». L’intérêt d’Ankara est simple : préserver son influence et maintenir son armée sur l’île. Une présence qui posera sans doute problème à l’Union européenne, puisqu’il a été décidé que si la réunification aboutie, alors Chypre fera pleinement partie de l’Union européenne. La réunification de l’île est soumise à des enjeux qui dépassent ces frontières, avec en premier plan, les relations entre la Grèce et la Turquie, et donc entre l’Union européenne et la Turquie. L'escalade des tensions diplomatiques entre plusieurs Etats membres de l'Union européenne et la Turquie ces derniers jours pourraient avoir des conséquences très négatives sur les négociations...


Quelle est la place des chypriotes dans ces négociations ?

Depuis ce vote au Parlement chypriote, l’émissaire onusien Espen Barth Eide, tente de relancer les négociations, mais déclare tout de même : « Nous sommes en crise ». Ce vote semble avoir brisé la confiance qui commençait à s’installer entre les deux Républiques chypriotes, et la perspective d’une paix durable s’éloigne. Peut-être faudrait-il repenser le rôle de la Turquie et de la Grèce dans ces pourparlers, qui défendent leurs positions plus ardemment que les deux Présidents des Républiques chypriotes.


Et peut-être faudrait-il impliquer davantage les chypriotes eux-mêmes, grecs et turcs, car ils sont les premiers concernés par ce qui serait décidé lors des négociations. Les jeunes n’ont pas connu la guerre, ni les souffrances qu’elle a provoqué (des milliers de morts et disparus, et 270 000 déplacés), et pourraient être plus disposés et favorables à la réunification. En 2003, la réouverture de la frontière a permis aux chypriotes grecs, et turcs de se rencontrer petit à petit et à échanger. Une rencontre qui prend du temps, tout comme la réunification. Cette réunification n’impliquerait pas seulement une redéfinition des frontières et du système politique, car la division entre les deux républiques est aussi culturelle et ethnolinguistique. Dans la partie nord, le turc est la seule langue officielle, tandis que dans la partie sud, le grec, l’anglais et le turc ont le statut de langue officielle. Les deux républiques ont chacune des systèmes scolaires et juridiques différents. La réunification ne se limite pas à une poignée de mains entre les présidents et diplomates impliqués dans les négociations, la réunification sera avant tout culturelle. Et les chypriotes y sont-ils prêts ?



Image : Mustafa Akinci (leader de la République turque du Nord de Chypre), Antonio Guterres (Secrétaire Général des Nations Unies) et Nicos Anastasiades (leader de la République de Chypre) - United Nations Photo

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