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Ukraine, entre Europe et Russie : épisode 2

La Russie a "aidé la Crimée à créer des conditions telles que les habitants puissent, pour la première fois dans l'histoire, exprimer pacifiquement leur libre arbitre quant à leur propre avenir."

C’est ainsi que Vladimir Poutine défendait le 18 mars 2014 le référendum organisé en Crimée. Mais pourquoi la Crimée est-elle un enjeu stratégique pour la Russie ?


Un peu d’histoire et de géographie…


Il faut revenir en 1791 lorsque la Russie ajoute la péninsule de Crimée à ses terres, après plus de vingt années de guerre contre l’Empire Ottoman. Une politique de peuplement est alors mise en place, par des chrétiens (russes, ukrainiens…), engendrant la persécution des Tatars de Crimée. (Vous pourrez prochainement découvrir un article focus sur le peuple Tatar). La Russie obtenait alors un accès à la Mer Noire.


Par la suite, la Crimée fut le théâtre de nombreux affrontements, et la ville de Sébastopol qui fut même assiégée par l’Empire Ottoman, la Grande Bretagne et la France, dans les années 1850. Mais la Crimée est restée sous le contrôle de la Russie, qui en a fait une véritable riviera russe, où des palais ont été construits, et la ville de Sébastopol est devenue un important port militaire. En 1922, l’Ukraine et la Crimée deviennent des Républiques socialistes soviétiques de l’URSS.


Pendant la Seconde guerre mondiale, malgré la résistance de la ville de Sébastopol, la Crimée est occupée par l’Allemagne, et connait de nombreuses batailles. C’est finalement en mai 1944 que les troupes soviétiques libèrent la péninsule, et déportent dans des camps le peuple Tatar de Crimée qu’ils accusent d’avoir aidé les allemands. Le statut de République socialiste soviétique autonome de Crimée est aboli, celle-ci devient alors une division territoriale et administrative (oblast) de la République socialiste de Russie.

1954 : La Crimée n’est plus russe, la Crimée est ukrainienne.


En 1954, coup de théâtre : Khrouchtchev (d’origine ukrainienne), alors à la tête de l’URSS, offre l’oblast de Crimée à l’Ukraine, pour le 300ème anniversaire de la réunification de la Russie et de l’Ukraine. A cette époque, les liens très forts qui lient la Russie et l’Ukraine, toutes deux républiques socialistes soviétiques de l’URSS, assurent à la Russie un accès tout aussi simple à la Mer Noire et aux ressources de la péninsule.


En 1991, les relations entre l’Ukraine et la Russie, et entre la Crimée et la Russie changent : la Crimée se déclare République autonome, et l’Ukraine proclame son indépendance. La Crimée devient donc une république autonome de l’Ukraine. Mais dès la fin de 1991, la Crimée manifeste sa différence : un projet de constitution est en préparation, porté par les russophones et russophiles qui ne se considèrent pas ukrainiens.



En 1992, la Crimée proclame sa première constitution : elle a désormais le statut de région autonome d’Ukraine, avec pour langues officielles : le russe et l’ukrainien. Quant à la ville de Sébastopol, un statut spécial lui est attribuée, et son port reste à la Russie qui continue d’y entretenir sa flotte militaire.


L’histoire de la Crimée au sein de la Russie est à l’origine de la volonté des russophones et russophiles de voir leur territoire rattaché à la Russie. Pour la Russie, la Crimée est une péninsule richement dotée en ressources naturelles, une région touristique et surtout, elle apporte à la Russie un accès direct à la Mer noire, et un accès aisé à la Mer méditerranée. C’est pour toutes ces raisons qu’une fois de plus la Crimée se retrouve au cœur d’un conflit.


2014 : La Crimée au cœur du conflit


« Les gens ne pouvaient pas se résigner à cette injustice historique scandaleuse. Durant toutes ces années, des citoyens et de nombreuses personnalités sont revenus sur cette question, affirmant que la Crimée est une terre historiquement russe et que Sébastopol est une ville russe. Oui, nous le savions tous dans nos cœurs et dans nos esprits, mais nous devions agir selon la réalité existante et construire nos relations de bon voisinage avec l’Ukraine indépendante sur une nouvelle base. Durant toutes ces années, nos relations avec l’Ukraine, avec le peuple ukrainien frère ont toujours été et resteront de toute première importance pour nous. »


Ceci est un extrait du discours de Vladimir Poutine, datant du 18 mars 2014, dans lequel il dénonce « le cadeau » de Khrouchtchev à l’Ukraine qui a fait de la Crimée un territoire ukrainien. Pour Vladimir Poutine, cela représente une violation des normes constitutionnelles en vigueur à l’époque.


C’est au début du mois de mars 2014 que des soldats russes ont été envoyés en Ukraine, « jusqu’à la normalisation de la situation dans le pays ». Mais des milliers de soldats sans insigne prennent position en Crimée. La réaction de la communauté internationale fut rapide : le Conseil de Sécurité de l’ONU condamne cette intervention, au nom du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays, mais les troupes russes restent en place ce qui d’une part entraînera les sanctions européennes et américaines et d’autre part le versement par l’Union européenne de 11 milliards d’euros pour soutenir l’économie ukrainienne, menacée par la Russie qui par exemple avait augmenté ses prix du gaz de 80%, ce qui ressemblait à une véritable agression gazière et économique.


En quelques jours à peine, les troupes russes sont positionnées en Crimée, les sanctions occidentales annoncées, et en Crimée un référendum convoqué, malgré le boycott des Tatars. Voici les questions posées lors de ce référendum, les votants devant cocher la case qui correspond à ce qu'ils souhaitent pour la Crimée :


« Êtes-vous favorable à la réunification de la Crimée avec la Russie, dans les droits de la Fédération de Russie ? »


Ou bien,


« Êtes-vous favorable au rétablissement de la Constitution de la République de Crimée de 1992 et pour le statut de la Crimée dans le cadre de l’Ukraine ? »


96,77% des votants sont en faveur du rattachement à la Russie. Bien que ce référendum et son résultat ne soient pas reconnus par la communauté internationale, deux jours après, la Crimée signe un traité de rattachement à la Russie.


Cette voie de l’autonomie puis du rattachement à la Russie a servi d’exemple à plusieurs villes et villages de l’Est de l’Ukraine qui ont manifesté leur volonté d’être rattachés à la Russie, comme dans la ville de Donetsk. L’intégrité territoriale de l’Ukraine mise à mal, le gouvernement décide de contrer les séparatistes, mais la menace russe ne faillit pas : en avril 2014, l’OTAN constate que la Russie a déployé d’importants effectifs militaires sur les frontières avec l’Ukraine.


En somme, Vladimir Poutine utilise et respecte les normes constitutionnelles, et le droit international lorsque ceux-ci sont en sa faveur : en mars 2014, Poutine dénonçait la violation des normes constitutionnelles pour qualifier l’offre de Khrouchtchev à l’Ukraine, mais à la même période, l’intervention russe en Crimée était un acte de violation du droit international : l’annexion de la Crimée par l’intervention militaire de la Russie était illégale.


Du point de vue russe, la Crimée est donc depuis 2014, un territoire à part entière de la Russie, mais la communauté internationale ne reconnaît toujours pas cette annexion. Après la Crimée, le conflit s’est déplacé dans l’Est de l’Ukraine, et une tentative de résolution du conflit a été menée par les Accords de Minsk… à lire, dans l’épisode 3.

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